Tout à l’heure, il y a moins d’une heure, je me suis promené le long du canal de l’Ourcq dans le froid et la solitude nocturne de ce premier dimanche de l’année.
J’y ai croisé peu de gens, peu de gens étaient présents pour partager ce moment merveilleux avec moi. Alors je l’ai partagé avec les fenêtres allumées des tours qui longent la rive. Je l’ai partagé avec le reflet de ces dernières sur l’eau. Avec mon écharpe, avec mes gants, avec mon coeur.
Mon coeur s’emballe facilement dans ces moments là : il a très vite fait de me chuchoter : « ne t’arrête pas, ne t’arrête plus, marche loin, à jamais, jusqu’à la fin de ta vie… cours ! Sens ta force, sens ta vie… ». Mais je lui ai dit de savourer cet instant. Je lui ai dit que lui et moi savions qu’à n’importe quel moment nous pouvions prendre le large et que cette seule pensée nous suffisait. Je lui ai dit que nous avions encore quelque chose à faire ici, que la liberté c’est aussi faire le choix de rester.
Reste encore un peu. C’est comme cela que je lui déclarerai ma flamme lorsque je l’aurai choisie. Je la regarderai mettre ses chaussettes, enfiler son pantalon trop serré, et, avant qu’elle n’ait refermé avec un peu de difficulté son bouton, je lui demanderai de rester encore un peu. Et elle saura. Elle saura que je la veux pour toujours, et elle sourira, lèvera les yeux au ciel ou bien les baissera pour regarder ses pieds… elle baissera son pantalon et le retirera avec maladresse puis elle viendra se blottir contre moi et on aura tous les deux gagné.
Et moi à chaque fois que j’écris un phrase dans ce cahier je gagne. Je gagne face au destin qui me voulait silencieux ou peureux, fébrile et frustré. Je gagne dans la vie, avec elle. Chaque phrase posée sur ce cahier me rend libre et fort, car pour en arriver là j’ai du traverser bien des mers.
Alors je m’octroie le droit d’écrire pour moi et pour les autres. Le droit d’être ridicule ou virtuose. Le droit de créer du temps et de créer dans le temps.
As-tu un jour marché dans le froid et le silence du premier dimanche de l’année ? As-tu déjà regardé les fenêtres illuminées des tours qui longent l’avenue en te demandant s'il fait chaud derrière ces carrés de lumière ? Si le dîner est servi ? Si elle accepte de rester encore un peu ? Moi j’ai la réponse : elle a retiré son pantalon et s’est glissée sous la couette.
Et moi dans tout ça ? Moi, j’était en train d’écrire tout ça.
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